MILK-NEWS

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Chers amis producteurs et productrices de lait, chers sympathisants,

En tant que membre récemment élu au Conseil d’administration de l'European Milk Board, je souhaite attirer votre attention dans mon éditorial sur l’actualité en Irlande. La grogne prend de l’ampleur face à un prix du lait sous-payé en mai par la plus grande coopérative du pays.

La dernière série d’annonces de prix par les coopératives irlandaises pour le lait fourni en mai fait polémique, notamment le prix de base de 29 centimes le litre annoncé par Glanbia, le plus important transformateur irlandais. Défiant toute les tendances et les preuves du marché ainsi que les hausses de prix annoncées par les autres coopératives irlandaises, Glanbia fait état d’un prix qui est de 3 centimes inférieur aux coopératives pratiquant des prix moyens au producteur. Compte tenu qu’avril et mai sont les mois au cours desquels la production laitière atteint son apogée en Irlande et que les producteurs comptent réaliser 25 % de leur production annuelle au cours de ces deux mois, la décision de Glanbia de « tirer vers le bas » signifie qu’un producteur qui fournit 100 000 litres au cours de ces deux mois perd près de 3 000 € par rapport à l’application d’un prix normal, tel que pratiqué par les autres coopératives. Il n’est pas surprenant que cette décision ait déclenché la colère et la frustration parmi les fournisseurs lésés dont des milliers sont membres d’ICMSA. La colère a été amplifiée par la publication de l’Indice Ornua (Indice du Irish Dairy Board) qui annonce un prix « historique » de 31,4 centimes le litre qui est celui payé par Ornua aux coopératives pour leur produit. En d’autres termes, ce n’est pas un prix dévoilé aujourd’hui mais un prix qui a déjà été payé. La décision de Glanbia représente donc une stratégie délibérée de ne pas verser aux agriculteurs le prix perçu par la coopérative. ICMSA a toujours considéré une telle pratique tout à fait inacceptable et nous avons réitéré notre conviction qu’il incombe aux coopératives de payer le prix de base le plus élevé possible ; nous n’acceptons pas – et nous n’accepterons jamais – la tendance qui s’est amorcée de payer un prix de base très plancher en lui ajoutant des primes de « pénibilité » et autres primes arbitraires. Les agriculteurs ne veulent pas d’un paiement laissé au « libre arbitre » des coopératives, ils veulent le prix le plus élevé par litre que puisse payer la coopérative. Et pour faire écho à mon information antérieure, ils veulent tout au moins le même prix que celui perçu par la coopérative.

La réaction aux propositions PAC du Commissaire Hogan a été la déception. Cette réduction du budget de la PAC est une profonde erreur et l’Irlande préférerait que les 27 États membres restants augmentent leurs contributions nationales pour compenser le déficit provoqué par le départ britannique. La menace qui plane sur nos marchés britanniques traditionnels porte actuellement ombrage à une bonne part de l’agriculture irlandaise mais la petite lueur d’espoir vient de la ratification obligatoire des Parlements des États membres respectifs de toute proposition d’accord avec le Mercosur. Les représentants des producteurs ont donc la possibilité de faire pression sur les responsables politiques pour faire en sorte que tout accord Mercosur qui aille clairement à l'encontre des intérêts des producteurs européens – comme c'est le cas de la proposition actuelle – soit rejeté. Nous travaillerons sans relâche pour nous assurer que chaque parlementaire irlandais sache que l’importation par l’UE de 100 000 tonnes de viande bovine, issues d’une production douteuse et suspectée largement de porter préjudice à l’environnement mondial, est une absurdité qu’on ne peut laisser se réaliser.

Pat McCormack, membre du Conseil d’administration de l'EMB et président de l’Irish Creamery Milk Suppliers Association (ICMSA)

La sécheresse affecte les producteurs de lait européens

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© A. Sauvage

Dans de nombreuses régions d’Europe, la vague de chaleur persistante provoque des pénuries extrêmes. Après un printemps pluvieux dans des pays comme l’Irlande, la Grande-Bretagne et la France, la période sèche actuelle a un effet néfaste sur les pâturages, la production de foin ou l’ensilage, ainsi que la production de céréales et de paille.

 

En raison des conséquences de cette sécheresse, les producteurs de lait manquent de fourrage autoproduit, très important pour les exploitations. On peut s’attendre à une hausse des coûts de production, en raison des achats de fourrage, et à une baisse des rendements laitiers.

 

Voici des rapports de nos organisations membres:

Irlande

Après un printemps pluvieux, les producteurs irlandais doivent maintenant faire face à une vague de chaleur de plusieurs semaines et à des périodes sèches prolongées. La mauvaise croissance de l’herbe et les prairies brûlées contraignent les éleveurs laitiers à changer de pâturage ou à avoir recours à du fourrage ensilé. En plus de la moindre qualité du fourrage, la baisse des rendements laitiers s’explique également par la pénurie d’eau qui se profile. L’accroissement de la consommation épuise les ressources en eau. Une interdiction d’arroser les jardins, de remplir les piscines, de laver les véhicules, etc., a été mise en place.

 

Allemagne

La sécheresse persistante dans l’est et le nord de l’Allemagne s’accentue. À l’est, on observe déjà des feux de prairie et de forêt ; dans certaines régions, il n’y a pas eu de précipitations conséquentes depuis avril. Afin d’atténuer la pénurie de fourrage, certains Länder allemands ont décidé d’autoriser la récolte de fourrage sur des surfaces d’intérêt écologique. Dans l’ouest, le sud-ouest et dans les Alpes, par contre, les orages ont causé des dégâts massifs jusqu’au courant du mois de juin. Cette année, les récoltes de fourrage sont nettement inférieures à la moyenne. La très mauvaise moisson a entraîné une réduction sensible de la récolte de céréales fourragères et donc une baisse de la production de paille. L’ensilage d’herbe sera également restreint à cause de la sécheresse.

 

France

Le sud du pays se caractérise par un arrosage régulier des cultures, avec la disparition progressive de l'élevage, notamment laitier. Dans les autres régions de France, le lait au pâturage unique devient compliqué, celui-ci devant presque toujours être complété par une alimentation à l'auge. Comme on le voit encore cette année, la répartition des pluies sur l'année dans chaque région, voire même dans chaque commune, dépend beaucoup des passages orageux. Il est donc de plus en plus difficile de gérer les bilans fourragers pour les animaux. Les stocks doivent être de mise tout au long de l'année pour pallier les récoltes de plus en plus hétérogènes. Produire un litre de lait ou un kilo de viande devient de plus en plus compliqué.

 

Belgique

Quand on pense à la Belgique, on imagine habituellement beaucoup de pluie ; actuellement, il n’y a pas de précipitations en vue. Les vaches laitières souffrent de la chaleur, avec des conséquences pour la santé et le bien-être des animaux, ce qui entraîne une baisse des rendements laitiers. Les producteurs de lait sont déjà contraints d’acheter du fourrage ou de puiser dans les réserves d’hiver. La troisième fenaison est perdue, peut-être aussi la quatrième s’il n’y pas assez de pluie en août et septembre. Cela signifie moins de réserves pour l’hiver. Les récoltes de maïs sont satisfaisantes et les rendements ne seront réduits que dans les zones sèches.

 

Danemark

Au Danemark aussi, la vague de chaleur crée des problèmes. Début juillet, « l’indice de sécheresse » (Tørkeindeks) était à son plus haut niveau, soit 10 points. En comparaison, il était à 0 pendant tout l’été précédent. Sans arrosage, la faible croissance de l’herbe n’a permis d’engranger à ce jour qu’une moyenne d’1,5 fenaison. Pour les producteurs de lait, l’arrosage représente du travail et des coûts supplémentaires. Il y a trop peu de paille et certains agriculteurs en achètent déjà aux Pays-Bas voisins. La récolte céréalière devrait enregistrer une baisse de 30 à 50 % mais les pronostics pour l’ensilage de maïs restent bons. La pénurie de fourrage local pose des difficultés particulières aux producteurs de lait bio.

 

Italie/Tyrol du Sud

La saison de végétation a commencé avec un printemps très humide en Italie ; dans le Tyrol du Sud, un hiver enneigé a assuré une bonne humidité du sol. Dans le val Venosta (Vinschgau) au Tyrol du Sud, une période de sécheresse de plusieurs semaines a contribué à une bonne qualité de foin. L’ascension des troupeaux dans les alpages a eu lieu un peu plus tôt cette année, vu la végétation abondante. Des périodes sèches alternent avec des phases pluvieuses.

 

Lituanie

Les mois de mai et juin ont été extrêmement secs en Lituanie. Par conséquent, les producteurs de lait n'ont pas été en mesure de préparer suffisamment d'aliments pour les animaux, la deuxième coupe n'ayant pas bien poussé. Cette sécheresse a considérablement affecté les revenus des producteurs de lait lituaniens. Outre le prix du lait très bas, les agriculteurs subissent également des pertes liées à la baisse de la production laitière et aux faibles taux protéiques et de matières grasses dans le lait, qui déterminent le prix du lait cru. Des difficultés d'approvisionnement en fourrages sont à prévoir en hiver.

 

Espagne

Contrairement à de nombreux autres pays, notre association membre dans le nord de l’Espagne a connu des conditions climatiques favorables. Le printemps a eu un effet positif sur la production fourragère, avec des prix inférieurs aux années précédentes. La perspective d’une bonne récolte a également fait baisser les prix des céréales. Il reste à voir comment évolueront les prix des céréales fourragères.

Regina Reiterer, EMB

Dans l’ombre de la montagne de lait écrémé en poudre

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© EMB

Les stocks de lait écrémé de l’intervention de l’UE, qui comptaient 380 000 tonnes à l’origine, se réduisent progressivement. Un total de 99 805 tonnes de lait en poudre a ainsi été cédé depuis décembre 2016 en 21 appels d’offre. La vente a commencé timidement en 2017 avec de petites quantités. Toutefois, les ventes ont commencé à s’animer sensiblement au printemps 2018.

 

Actuellement, les entrepôts de l’intervention européenne renferment encore environ 280 000 tonnes de lait écrémé en poudre.

Les prix de vente ont un impact néfaste sur le marché du lait : le prix minimum de 215,10 €/100 kg fixé en décembre 2016 ne correspond pas à la valeur réelle de la production. Les prix ont atteint un plancher à 105,00 € en mars 2018. Dernièrement, le lait écrémé en poudre se négociait à 119,50 € pour 100 kg. La Commission européenne va ainsi clairement à l’encontre de ses propres objectifs de résorber les stocks d’intervention sans nuire au marché. Actuellement, le prix du marché pour le lait écrémé en poudre est de 152 €/100 kg.

 

Comment en est-on arrivé là ?

Il n’y a pas eu d’achat d’intervention pour le lait en poudre entre 2010 et la mi-2015. Les premiers achats de l’intervention publique ont débuté en juillet 2015, alors que la surproduction faisait chuter les prix du lait. Au lieu de mettre en place des mesures incitant à une réduction des volumes, le commissaire à l’Agriculture, M. Hogan, réagit à la crise en prolongeant la période d’achat pour 2015 et 2016 au-delà de la période habituelle (de mars à septembre). Un très mauvais signal – les producteurs de lait ont continué à traire, afin d’amortir la baisse des recettes du lait par un accroissement de la production. La politique communautaire est allée encore plus loin en doublant en 2016 le volume maximum d’intervention pour le lait écrémé en poudre, passant de 109 000 à 218 000 tonnes, puis plus récemment à 350 000 tonnes.

 

L’intervention n’est pas un instrument de règlement de crise !

L’intervention a fait la preuve manifeste qu’elle ne permet pas de remédier aux instabilités chroniques et qu’elle fait ultérieurement baisser les prix au moment de la vente. L’European Milk Board s’engage en faveur d’une réduction générale du volume d’intervention, actuellement fixé à 109 000 tonnes par an, et à une hausse simultanée du prix d’intervention. La production doit s’adapter au marché, c’est-à-dire qu’il faut éviter les excédents. Nous demandons à ce que les stocks de lait en poudre soient résorbés sans nuire au marché !

 

L’alimentation animale comme alternative ?

Le ministre de l’Agriculture français, Stéphane Travert, souhaite explorer d’autres pistes pour réduire les stocks européens. Il propose de vendre une partie des stocks d’intervention les plus anciens pour l’alimentation des animaux, dans des appels d’offres parallèles. Cette proposition a reçu le soutien de certains de ses homologues. Toutefois, le commissaire à l’Agriculture, M. Hogan, a rejeté la position de la France, la qualifiant de trop complexe en raison des « exigences en termes de contrôle et de traçabilité ».

Regina Reiterer, EMB

Manifestation contre la politique laitière de l’UE

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© wikimedia

Le 11 juin, les agricultrices et les agriculteurs de l’AbL (Arbeitsgemeinschaft bäuerliche Landwirtschaft) et du BDM (Bundesverband Deutscher Milchviehhalter) ainsi que des représentants d’associations de protection de l’environnement et des responsables politiques des Verts allemands se sont réunis à Aschendorf (en Basse-Saxe, Allemagne) pour exprimer une critique claire à l’égard de la politique laitière de l’UE. Pourquoi à cet endroit ? À cause du lait en poudre qui y est stocké.

« Il y en a 1 800 tonnes ici, et près de 300 000 tonnes au total dans l’UE. Personne n’avait besoin de ce volume de lait à l’époque où il a été produit et personne n’en a besoin maintenant. Bien entendu, tous les acheteurs de produits laitiers savent que ces excédents sont sur le marché et cela leur permet de faire pression sur le prix du lait nouvellement produit », explique Ottmar Ilchmann, éleveur laitier et président de la section de Basse-Saxe de l’AbL, à propos de la chute actuellement ininterrompue des prix du lait. Selon lui, de trop grandes quantités de lait produit ont été transformées en poudre et retirées du marché par l’intervention de l’UE lors de la phase de bas prix du lait, pendant la crise laitière de 2014-2016. Cette poudre pèse toujours sur le marché du lait et maintient les prix à un niveau bas. « Le résultat de cette mauvaise politique s’entasse dans des entrepôts comme cette ancienne fabrique de rideaux », ajoute M. Ilchmann. On y stocke du lait en poudre dont personne n’a besoin ou qu’on « brade à prix cassés en Afrique, ce qui détruit les marchés locaux. »

Pour M. Ilchmann, de nombreux éleveurs laitiers en Allemagne et dans toute l’Europe ont fait augmenter leurs volumes de lait depuis l’abandon des quotas laitiers en 2015. Ils ont cru en la perspective d’exporter sur le marché mondial que leur avaient fait miroiter les responsables politiques, les laiteries et les syndicats agricoles. Toutefois, personne n’a voulu de ce lait en poudre, produit notamment par les laiteries coopératives, comme la Deutsche Milchkontor, dans leurs tours de séchage tout spécialement construites ; c’est pourquoi il a fallu le vendre à l’UE.

« Ces stocks coûtent très cher au contribuable et ne servent que les intérêts des laiteries, qui se débarrassent ainsi de leur marchandise invendable et produite en dépit du marché, et bien sûr ceux des exploitants d’entrepôts », poursuit M. Ilchmann. Le fait de stocker cette poudre et de la brader maintenant entraîne des coûts de l’ordre de plusieurs millions pour le contribuable. De plus, par l’intensification et la charge en nutriments qu’elle suppose, la surproduction laitière entraîne des pressions sur l’environnement qui auraient pu être évitées.

La porte-parole du groupe des Verts à l’assemblée régionale, Miriam Staudte, exige aussi la mise en place d’instruments de régulation en cas de crise car « nous ne pouvons pas attendre la prochaine crise et nous devons élaborer des instruments agissant de manière préventive ». Elle entend favoriser un élevage laitier conforme aux attentes de la société. « Et cela signifie que les vaches doivent être mises au pâturage ».

Les manifestants ont exprimé clairement qu’il y avait urgence à agir. En effet, selon Ottmar Ilchmann, « des agriculteurs mettent la clé sous la porte et, surtout, nombreux sont ceux qui se découragent. Ils perdent l’espoir que le marché du lait revienne un jour à un niveau qui leur permette de vivre, dans le long terme et durablement, de la production de lait. »

Friedhelm Stodieck, paru dans Bauernstimme du 13 juin 2018

Situation en Espagne

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Le prix du lait a diminué à nouveau à l’issue du quatrième mois consécutif en mai 2018 pour atteindre 31,6 centimes. Nous sommes mécontents de la situation actuelle mais les producteurs laitiers semblent résignés et peu enclins à se mobiliser. Les agriculteurs, conformistes, s’accommodent de la situation et se satisfont d’une reprise très maigre après des années difficiles.

 

La certitude de pouvoir bénéficier un jour de prix équitables ou de pouvoir juguler les volumes s’évanouit. En outre, les contrats n’offrent que peu d’espoir car ceux-ci sont signés sous la pression. 

D’après les derniers chiffres du ministère de l’Agriculture, les livraisons de lait cru en Espagne en 2017 ont représenté 7 millions de tonnes, soit une augmentation de presque 2 % par rapport à 2016. Concernant la taille des cheptels, on comptait près de 850 000 vaches laitières en juin 2018, une baisse d’environ 10 000 têtes, soit 1,2 % par rapport à juin 2017. Le nombre total de producteurs laitiers s’élevait à 14 231 en avril 2018, 6 % de moins par rapport au même mois de l’année précédente.  

2017 a connu une hausse de la production de fromage de 17 %, suivi du beurre (15 %) et du lait en poudre écrémé (20 %). A contrario, le lait concentré a subi une baisse de 10 % et la crème fraîche de 5 %. Durant cette période, la consommation dans les ménages, elle, a augmenté.

Concernant la situation politique en Espagne, nous attendons de voir les propositions et tendances que le nouveau gouvernement va adopter. Nous demanderons à rencontrer le ministre de l’Agriculture fraîchement nommé et discuterons des propositions faites. Nous souhaitons également mettre en avant nos solutions et expliquer les faiblesses et problèmes du secteur. Nous ne nous attendons pas à des changements majeurs pour l’instant car le nouveau gouvernement arrivera dans deux ans seulement. Mais nous souhaitons nous assurer que les dirigeants politiques appliqueront les propositions que nous leur avons faites lorsqu’ils étaient dans l’opposition. Récemment, le ministère a annoncé des changements dans l’étiquetage de produits afin d’inclure le pays d’origine sur l’étiquette.

Pour l’instant, nous ne pouvons qu’espérer que le ministère de l’Agriculture prêtera davantage l’oreille à nos revendications.

Jose Alberto Martín González de l’organisation des producteurs laitiers espagnols OPL

La filière laitière française doit se restructurer

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© EMB

Dès son investiture, Emmanuel Macron a lancé les États Généraux de l’Alimentation (EGA) obligeant les différentes interprofessions à proposer des « plans filières », autrement dit des projets de développement et de transformation des filières agricoles et agroalimentaires.

 

Ces plans doivent viser des négociations plus transparentes tout en prévoyant d'inverser le calcul du prix des produits finis en partant des coûts de production. Le plan filière lait s’avère principalement axé sur la montée en gamme plutôt que sur la couverture des coûts de production, engagement pourtant prôné par tous. Si la discussion sur les indicateurs de production n’est pas optimale, de nombreuses démarches s’inspirant de FaireFrance émergent comme celle, par exemple, des « Laitiers responsables » de la coopérative Sodiaal et dont l’impact sur les prix aux coopérateurs reste à mesurer. Le fait que nos industriels (privés ou coops) avancent couvrir les coûts de production d'un très faible pourcentage des volumes ne doit pas permettre de valider un plan de filière qui ne modifierait en rien la situation actuelle !

 

Une marge répartie unilatéralement

La confrontation des performances des filières laitières française et allemande s’avère riche d’enseignements. En 2016, la production laitière allemande s’élevait à 31,3 millions de tonnes contre 24,7 pour la France et le chiffre d’affaires total de la transformation à 21,9 milliards d'euros contre 30 milliards en France. Le chiffre d’affaires s’élevait donc pour l’Allemagne à 0,699 €/L contre 1,214 €/L pour la France. Il s’avère difficile de croire que les industriels français supportent un surcoût de charges de 42 % (515 €/1000 l)  par rapport à leurs collègues allemands ! D'ailleurs, si l’on prend comme référence le chiffre d’affaires de 2010 des industriels laitiers français, ces derniers auraient cumulé, en 7 ans, 32 Mds d’€ de chiffre d'affaires supplémentaires (soit plus que celui d'une année comme 2017), ce qui revient à +190 € pour chaque 1000 litres transformés durant ces 7 années ! Les producteurs français n'étant pourtant pas mieux payés que les allemands et les industriels allemands certainement pas moins performants que les Français, il est donc légitime de se retourner vers ces industriels avant même de s'adresser aux distributeurs !

 

Un besoin de regroupement des producteurs

Afin de redonner du poids aux trop nombreuses organisations de producteurs (~60 OP agréées) dans les négociations sur le prix et les volumes, ces dernières, ainsi que les coopératives (représentant plus de la moitié du lait livré en France) doivent impérativement se regrouper en Associations d’Organisation de Producteurs (AssOP) conséquentes et le moins nombreuses possible. Avec cette organisation collective et, si nécessaire, une baisse de production, les producteurs pourront enfin tirer les prix vers le haut et obtenir les 100 € manquants pour atteindre les 450 € revendiqués par l'OPL et toutes les organisations de l’EMB.

Véronique Le Floc’h, présidente de l’OPL (Organisation des Producteurs de Lait) de la CR

Entretien avec Pat McCormack, nouveau membre du Comité de l’EMB

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© ICMSA

Originaire d’Irlande, Pat McCormack est membre du Comité directeur de l’European Milk Board depuis la mi-avril 2018. À 41 ans, Pat McCormack est le plus jeune président de l’histoire de l’ICMSA (Irish Creamery Milk Suppliers Association), l’association professionnelle des exploitations laitières familiales. Précédemment, il a été vice-président et président de séance de la commission laitière de la fédération irlandaise. L’analyse du marché du lait est une condition préalable pour lui permettre de représenter les intérêts des producteurs de lait.

Pat est marié et a une fille de 4 mois.

 

M. McCormack, comment est votre ferme ? Qui fait votre travail quand vous êtes à Bruxelles ?

J’élève 100 vaches Holstein sur une base standard de vêlage de printemps. Je fournis mon lait directement à ma coopérative locale, Tipperary Co-op, pour laquelle je travaille aussi dans un rôle consultatif. J’ai hérité cette ferme de mon père et, comme souvent en Irlande, elle est dans notre famille depuis au moins cinq générations. Quand je dois m’absenter pour travailler pour l’ICMSA ou l’EMB, les tâches quotidiennes sont accomplies par un employé selon un emploi du temps fixé par moi. 

 

Quels sont les sujets qui vous tiennent à cœur dans votre travail pour l’European Milk Board ?

Concernant l’EMB, j’ai toujours été frappé par l’uniformité presque parfaite des problèmes auxquels nous faisons face dans les pays représentés ; les contextes peuvent varier mais les difficultés sont essentiellement les mêmes. Je suis très intéressé par les tentatives de la Commission de réformer les marges dans la chaîne d’approvisionnement. Certains signaux encourageants semblent indiquer que M. Hogan, le commissaire à l’Agriculture, entend véritablement s’opposer au cartel des groupes de distribution et à leurs attaques incessantes contre les marges de leurs fournisseurs. Évidemment, j'accorde beaucoup d’attention à la PAC et je suis déterminé à protéger cette politique centrale des considérations budgétaires à court terme. Toutefois, ma préoccupation principale est de développer notre capacité à agir ensemble et à partager les analyses et les solutions qui nous permettront d’obtenir des prix du lait meilleurs et durables. 

 

Les éleveurs laitiers irlandais nous ont surpris en enregistrant la plus importante réduction proportionnelle dans le cadre du programme de réduction des volumes de l’UE. Comment expliquez-vous cette forte participation ?

Les agriculteurs irlandais sont capables de réagir rapidement aux mouvements du marché et la fin des quotas a donné lieu à un enthousiasme qui a provoqué une expansion. La chute des prix du lait en 2015/2016 a frappé nos membres très durement, avec des prix tombant en-dessous des coûts de production sur une période prolongée. L’ICMSA a demandé la mise en place rapide d’un programme de réduction volontaire car il était évident que les « outils » disponibles étaient insuffisants. Dès la mise en place du programme de réduction volontaire, nos agriculteurs s’en sont servis et – comme l’ICMSA et l’EMB l’avaient prévu – celui-ci a presque immédiatement mis un « plancher » sous les prix et a été, à notre avis, si manifestement efficace que nous souhaitons qu’il soit inclus à l’avenir comme une option permanente. Les agriculteurs irlandais ont fait le calcul et ont bien compris qu’une réduction temporaire de la production était clairement la meilleure option.

 

Le Brexit, le budget de la PAC et les projets d’accords de libre-échange vont poser bien des difficultés aux agriculteurs. Où voyez-vous les principaux points d’achoppement à l’avenir ?

Premièrement, nous devons aller de l’avant avec une PAC préservée, disposant d’un financement suffisant et qui reconnaisse l’importance d’une production alimentaire durable et indigène dans l’UE et pour l’UE. Pour ce qui est de l’ICMSA, le premier aspect à traiter est le budget de la PAC ; l’Irlande s’est clairement engagée à augmenter sa contribution pour compenser le déficit lié au Brexit et nous attendons des autres pays qu’ils en fassent autant. 

 

Quels objectifs vous êtes-vous fixé pour votre travail au sein de l’EMB ?

De convaincre les agriculteurs de l’UE de découvrir ce que tous les autres secteurs ont compris depuis très longtemps : ce qui nous rassemble dépasse très largement les différences perçues. Les différentes organisations membres ont développé des capacités d’analyse et de lobbying dont toutes les organisations membres devraient pouvoir bénéficier.  Les problèmes sont les mêmes, et souvent aussi les solutions. Seuls les drapeaux diffèrent et nous avons besoin de travailler ensemble !

 

Merci beaucoup pour cet entretien !

Regina Reiterer, EMB

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