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Marché laitier suisse – deux ans après l'abandon du quota

Deux ans sont passés depuis la suppression des quotas en Suisse le 1/5/2009 et la situation sur le marché du lait est toujours dramatique. Du lait est livré en trop. La montagne de beurre atteint actuellement une hauteur record de plus de 10 000 tonnes. Avec une moyenne actuelle de 60 centimes suisses, le prix du lait est sous pression permanente et loin de couvrir tous les coûts engagés.

La sortie du quota a commencé cependant trois ans plus tôt. Dans la période dite de transition 2006/2009, les producteurs ont pu s'unir pour créer des organisations de vente de lait. Les 38 organisations qui en résultaient, ont essayé en tant qu'organisation de producteurs indépendante (OP) ou en coopération avec une laiterie (OPL) de regrouper l'offre et vendre ensemble leur lait. Les cinq plus grandes OP regroupent ensemble quelque 70% de la quantité de lait.


Softlanding dans l'UE – Volumes supplémentaires en Suisse: longtemps avant la fin du quota il est dérogé

Les organisations avaient la possibilité de sortir du quota bien avant. Cela signifie que l'organisation avait officiellement remis le quota à l'Etat et a ensuite attribué au producteur exactement la même quantité comme droit de livraison. Mais le dernier pouvait désormais seulement être réglé au sein de l'organisation. Pour les organisations qui quittaient s'offrait aussi la possibilité d'augmenter la quantité de lait si elles pouvaient prouver à l'Office fédéral qu'elles avaient trouvé un canal de vente supplémentaire. Les quantités excédentaires ont été payées à un prix nettement inférieur aux éleveurs – cela dû au soi-disant partage des coûts de l'entrée sur le marché. Plus que la moitié des éleveurs et des organisations de producteurs ont profité de la possibilité de sortir prématurément et d'augmenter la quantité. C'est ainsi que la quantité de lait en Suisse avait déjà augmenté de 5% bien avant la date du 1.5. 2009.

Il y avait aussi des organisations de producteurs individuels, qui avait adopté un règlement de gestion des quantités très stricte. Mais ils se sont vus vite confrontés à la réalité et ont jusqu'aujourd'hui le problème que des membres affamées de croissance quittent l'organisation pour livrer leur lait directement à un transformateur et cela à un prix d'achat plus élevé. Les fournisseurs directs pouvaient également régler librement le volume de lait dans leurs contrats. Et c'est ainsi qu'ont été semée, dès le début, des désaccords entre les producteurs: Les éleveurs avec quantité excédentaire et ceux avec objectifs ambitieux de croissance contre les défenseurs de la régulation du volume disposant d'une vue d'ensemble sur tout le marché.

Tentatives futiles de la part de l'Interprofession

Il y a eu jusqu'à présent de nombreuses tentatives pour contrôler la situation. C'est ainsi que pour faire face aux quantités excédentaires, la nouvelle interprofession du lait unissant producteurs, transformateurs et le commerce, a toujours pris des décisions qui cependant n'ont pas été appliquées jusqu'aujourd'hui. (Voir les communiqués de presse sur le site www.ip-lait.ch). Quelques organisations de producteurs ignorent tant un modèle de contrat de vente qu'un règlement de l'écoulement du beurre. Le prix indicatif pour le lait fixé par le comité IP-lait n'est pas contraignant. Et la segmentation adoptée pour le paiement du lait n' a que des conséquences négatives pour les producteurs.

Dans la facturation, les acheteurs de lait segmentent le lait en prix A, B et C. Le segment A est destiné à la partie protégée du marché domestique, le segment B concerne l'exportation ou la défense contre les importations, et les produits laitiers du segment C sont dégagés sur le marché mondial. Les producteurs n'ont pas moyen de renoncer à la livraison de lait du segment B ou C. Donc, aucun contrôle de quantité totale de lait n'a lieu, car en cas de doute les transformateurs peuvent toujours dégager le surplus de lait comme lait C sur le marché mondial. Dans ce cas, les agriculteurs reçoivent moins d'argent par litre de lait commercialisé en qualité de lait C. Et peu importe s'ils ont respecté le montant spécifié dans le contrat ou non. Seul la forme de marketing est cruciale et sur celle-ci les producteurs n'ont pas d'influence.

 

Tentatives hésitantes de la politique

 

Déjà l'année dernière, le parlementaire Andreas Aebi avait présenté une motion au Parlement, qui exigeait que sur les quantités dite excédentaires, qui sont au-delà des droits de livraison d'origine (quotas), une taxe soit prélevée pour couvrir à 100% les coûts de l'écoulement du lait en surplus. Cette taxe devrait être de 30 centimes suisses le kilo. Cette motion a été adoptée par une large majorité au Parlement. Même au Conseil des États une faible majorité était escomptée. Mais une motion de procédure a torpillé le vote et la décision a été remise à un temps indéfini. L’Interprofession du lait (IP-lait) devrait avoir une dernière chance pour gérer seul la situation.

Malheureusement, l'IP-lait n'a pas profité de cette opportunité ; bien qu'on ait décidé le 18 Mars de prélever une taxe de 1 centime par kilo de lait pour dégager les stocks de beurre et une taxe de 4 centimes sur les quantités excédentaires. Ainsi, les anciens droits de livraison auraient eu à nouveau une signification. Mais, peu de temps après, les organisations axées sur la croissance se sont opposé vigoureusement contre cette décision et la torpillent par les voies légales. C'est la raison pour laquelle on s'est décidé au sein de l'IP à ne rien entreprendre jusqu'en août.

Quelles sont les causes de l'échec des producteurs laitiers?

Les producteurs ont manqué de déterminer ensemble à temps un règlement de suivi raisonnable pour le quota. Dans une enquête initiale en 2008 plus de 80% des producteurs laitiers se sont prononcés, sous la direction de la fédération des producteurs de lait, pour une réglementation de quantité de droit privé en remplacement du quota. Plus de 85% des consommateurs n'ont pas compris le fait que les agriculteurs traient plus qu'ils ne peuvent vendre sur le marché.

Mais après deux ans de marché libre du lait, il n'y a aucune trace d'un contrôle de volume qui puisse adapter l'offre à la demande. Les producteurs sont complètement en désaccord les uns avec les autres. Certains rendent responsable ceux qui produisent des quantités supplémentaires de la débâcle. Et ces derniers, par contre, combattent pour qu'ils puissent continuer à utiliser entièrement leurs nouvelles capacités. La Fédération des Producteurs Suisses de Lait (PSL) est devenu inapte. Elle essaie de faire des compromis dans tous les sens pour empêcher des producteurs de quitter la fédération. La PSL n'a plus de poids. Sur la base des faits décrits, une stratégie commune semble presque impossible.

Quantité et prix hors de contrôle

La production excessive est aussi la raison pour laquelle le prix du lait en Suisse au cours des 20 derniers mois n'a pas augmenté comme dans les pays voisins. En effet, la quantité totale de lait est désormais liée aux contrats fixes. Mais les laiteries ont signé des quantités trop élevées. En outre, l'année dernière, les producteurs laitiers ont livré 3% de lait en moins de ce qui a été convenu dans les contrats et ont augmenté la livraison cette année pour partiellement compenser les prix inférieurs. Le prix cible officiellement fixé par l'IP-lait a été augmenté à nouveau de 3 centimes à 65 centimes en mars ; pour les agriculteurs, toutefois, ce montant n'est pas ainsi, parce que 10, 20 ou même 30% de la quantité de lait est facturé beaucoup plus bas à un prix B ou C. (Pour information: coûts moyens de production en Suisse: 107 centimes le litre / 1 € égale à 122 centimes)

La montagne de beurre a atteint fin juin (semaine 25) un niveau record. Normalement les stocks diminuent à partir de la semaine 21 lorsque quelques 80 000 vaches vont vers les Alpes. Mais cette année, ils restent élevés et continuent à croître encore plus. Et l'IP-lait ne veut prendre aucune mesure qui pourrait modifier la quantité de lait avant le mois d'août. La catastrophe suit son cours (et le chef de l'Office fédéral de l'Agriculture a démissionné pour fin juin ....).


Avec la chute du court de l’Euro par rapport au Franc suisse, la situation des exportations de fromage pourrait devenir critique. Les contrats d’achats des fromages pour l’exportation pourraient être renégociés à la baisse, ce qui provoquerait une pression supplémentaire sur les prix du lait de fromagerie, la constitution de stocks ainsi qu’une surproduction de lait de fromagerie. En passant dans le canal du lait industriel, ce surplus lait de fromagerie pourrait provoquer une pression supplémentaire sur le prix déjà très bas du lait industriel. Il s'annonce également que pour la première fois depuis 150 ans plus de fromage sera importé en Suisse qu'exporté. C'est aussi la faute de l'accord sur le libre échange de fromage entre la Suisse et l'UE entré en vigueur le 1er juin 2007.

Perspectives

Les organisations suisses de l'EMB luttent tant en publique que dans les coulisses pour que la politique permette aux producteurs de lait une gestion de l'offre. Il est prévisible que les prix du lait baisseront à nouveau en Europe dès que la situation alimentaire serait stabilisée dans les quatre coins du monde. Comme la quantité en Suisse ne peut pas être réduite, nous sommes tous inévitablement entraînée dans ce tourbillon. Exporter les surplus avec les cotisations des agriculteurs ou même à l'aide de l'argent public n'est pas de solution. Pire encore, ce dumping des exportations ruine la vie de nos collègues à l'étranger. En outre, c'est un gaspillage inutile et insensé de ressources précieuses.

Une telle situation montre à nouveau la fragilité d’une politique laitière basée essentiellement sur les exportations et le libre marché. Raison pour laquelle une politique agricole cohérente, basée sur la souveraineté alimentaire, doit être mise en place. Une initiative populaire est actuellement en préparation


On a l'impression aujourd'hui que dans le marché des produits laitiers, il ne s'agît plus d'un approvisionnement sûr de la population avec des précieux produits laitiers, mais plutôt de parts de marché, puissance et de marge. BIG-M et Uniterre s'engagent pour une gestion efficace de l'approvisionnement en mains des producteurs à fin d'éviter dès le départ autant que possible l'excédent ; de sorte que les prix couvrant tous les coûts des agriculteurs et la production de lait de qualité en Suisse soient toujours possibles et prometteurs.

La révolte paysanne, les grèves du lait et la revendication des 1 Frs/litre pour l’ensemble de la production laitière suisse ont été des facteurs clés pour repositionner les familles paysannes dans le débat sur le marché laitier. Jamais les producteurs n’ont été aussi forts que dans ces périodes d’action. Ils ont alerté largement la population et ont été écoutés et soutenu. De multiples projets de commercialisations de lait équitable se sont développés depuis.

Parallèlement à ces projets commerciaux et aux actions „de rue”, les producteurs ont fait des propositions pour stabiliser le marché. Un premier modèle de régulation a d’ailleurs été proposé tant aux producteurs et à leurs organisations qu’aux politiques. Il fait actuellement débat car il représente une alternative crédible à la situation chaotique actuelle. Il propose une méthode solidaire pour un retrait rapide de quantités de lait, une augmentation du prix et finalement une gestion souple des quantités en mains des producteurs, à l’image de ce qu’EMB propose.

En Suisse, les producteurs ont été entendus par les politiques et des citoyens lorsqu’ils étaient actifs dans la rue avec des revendications claires et reprises au plan européenne, à savoir

  • Un prix équitable de 1 Frs/litre pour l’ensemble du lait produit en Suisse,

  • Une gestion des quantités à produire en mains des producteurs

  • Une force obligatoire attribuée par l’Etat pour que le citoyen puisse avoir un regard sur la situation et pour que la gestion puisse véritablement se mettre en place et satisfaire aux exigences d’une politique agricole basée sur la souveraineté alimentaire

Des actions coordonnées et européennes doivent donc à nouveau être organisées afin que les décideurs et la population soient à nouveau sensibles aux propositions concrètes des producteurs.


En 2015 en Europe, la situation des producteurs pourrait être similaire - ou plus grave - à celle des suisses aujourd’hui. Les problématiques européennes seront d’une autre envergure mais fondamentalement proches de celles que subissent les producteurs suisses actuellement. Les décideurs européens observent d’ailleurs de très prêt l’évolution de la situation en Suisse.

Résoudre „le problème“ suisse est donc très important pour faire évoluer la politique laitière européenne vers les revendications d’EMB. Dès lors, les organisations BIG-M et Uniterre demandent à EMB de se pencher sur le cas de la Suisse et de définir une stratégie commune qui imposerait une véritable pression européenne sur les décideurs et politiciens suisses.


Werner Locher, BIG-M

Nicolas Bezencon, Uniterre




Note du bureau EMB:

Dans les mois à venir vous allez trouver des articles et rapports actuels concernant les évolutions en Suisse sur la page d'accueil de www.europeanmilkboard.org













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