MILK-NEWS

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Chers amis producteurs et productrices de lait, chers sympathisants,

Depuis que la Covid a fait irruption il y a maintenant deux ans, nous connaissons beaucoup de phénomènes qui font que le prix du lait a tendance à monter dans nos fermes même si celui-ci reste malheureusement en deçà des coûts de production dans la plupart des pays de l’UE, et notamment en France ! Les coûts de production ont explosé dans tous les domaines.

La Covid, qui a chamboulé à certains moments la chaîne logistique, puis la guerre en Ukraine qui, comme toute guerre, amène peur, crainte et dérèglements en tous genres, surtout financiers, entraînant aussi de la spéculation sur les marchés de l’alimentaire, mais surtout, je pense, une production laitière en Europe qui recule. Depuis bien trop longtemps, des organisations comme l’EMB avertissent des effets négatifs à moyen et long terme qu’engendre le système nauséabond avec lequel nous vivons depuis presque 20 ans. À force de ne pas payer les producteurs, ceux-ci arrêtent définitivement la production laitière sans aucun espoir de reprendre un jour ! Les jeunes boudent largement le métier et c’est bien normal, même si je déplore ô combien ce massacre. La plupart des éleveurs encore en place ont tous essayé d’optimiser leur production en augmentant leurs troupeaux, en investissant dans la technologie pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, en s’associant, etc. Mais rien n’y fait et les éleveurs sont fatigués, surtout ceux qui ont déjà 20 ans de métier et qui ont compris qu’on ne les comprenait pas ou plus.

Souveraineté alimentaire

Au cours des 20 dernières années, la France a perdu plus de la moitié de ses producteurs laitiers. Cette diminution du nombre de producteurs nous prive non seulement du savoir-faire de ces éleveurs et producteurs de lait expérimentés, mais aussi de ceux qui entretiennent les paysages ruraux et, surtout, qui garantissent la sécurité alimentaire des consommateurs français et européens. La sécurité alimentaire sera bientôt mise à mal si nous ne changeons pas radicalement ce système qui ne permet pas de rémunérer correctement les éleveurs.

Assurer la souveraineté alimentaire, c’est tout d’abord assurer une production qui colle à la consommation. La dérégulation de la production comme nous l’avons connue sur tout le territoire européen entamée en 2003 et qui s’est accentuée jusqu’en 2021 a entraîné des prix bien trop bas qui ne couvrent pas les coûts de production. Avec acharnement, avec l’EMB et toutes ses organisations membres dans la plupart des pays européens, nous avons prévenu tous les responsables et décideurs. Les coopératives (surtout les grosses), les interprofessions, les industriels, les grandes surfaces et les politiques ; tous doivent être acteurs principaux pour une vraie harmonie et équité entre tous. Nous avons prévenu, mais nous avons aussi proposé des solutions.

Comment bien rémunérer le producteur ?

Les marges doivent une bonne fois pour toute être partagées entre le producteur, l’industriel et le magasin. Pour ce faire, l’éleveur doit être plus fort et mieux organisé car même en coopérative, il n’a aucune possibilité de négocier et donc d’imposer son prix.

Les organisations de producteurs

La négociation, c’est un rapport de force et dans ce domaine nous sommes très mal organisés. Et pourtant, plus de 60 % du lait est ramassé en coopérative dans certains pays, voire même 100 % dans d’autres. Ces coopératives ne doivent plus être des organisations de producteurs (OP) et doivent permettre à leurs éleveurs d’adhérer à une organisation de producteurs horizontale et non verticale, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous sommes sur un marché européen et nous devons avoir quelques OP européennes. Si nous sommes si faibles, c’est parce que nous sommes trop nombreux à négocier en face de quelques acheteurs qui ont le choix et qui peuvent ainsi faire baisser les prix. Je suis pour les coopératives de collecte, de mutualisation du froid, mais elles ne doivent plus s’occuper du prix du lait.

Programme de responsabilisation face au marché

Depuis de nombreuses années maintenant, nous avons proposé à ceux qui voulaient nous écouter de mettre en place notre programme qui est un moyen d’éviter la surproduction et de coller ainsi à la consommation. N’oublions pas que cette surproduction que nous vivons depuis presque 20 ans est responsable de la pénurie d’éleveurs que nous connaissons aujourd’hui et du manque de production que nous allons connaître demain. Sans parler des désastres que nous avons causés dans les régions qui sont en plein développement comme l’Afrique, car il y a obligatoirement dans ce cas des exportations sur le marché mondial pour écouler les excédents.

Les politiques et nos gouvernements

Nos décideurs politiques sont élus pour assurer le bien-être de toutes et tous et sur l’ensemble du territoire. C’est donc à eux d’être les arbitres entre nous et nos acheteurs de façon à ce que chaque produit vendu au citoyen soit vendu à un prix équitable. Ils doivent nous aider à mettre en place des solutions pour tous, à garantir la souveraineté alimentaire et sociale, environnementale et promouvoir la durabilité. Ils ont donc du pain sur la planche mais avec une vraie volonté d’améliorer le sort de tous, ces tâches ne sont pas insurmontables. De cette façon, nous reverrons peut-être des jeunes revenir car il y a urgence étant donné la moyenne d’âge des éleveurs aujourd’hui.

Notre Lait équitable

Nous avons un bel exemple avec notre Lait équitable, et ce ne sont pas nos adhérents qui diront le contraire. Il faut juste que vous, collègues producteurs, compreniez l’intérêt bénéfique de cette solution et que vous y adhériez en masse. Mais attention, ne tombons pas dans le panneau d’aller vers un lait qui se distingue en termes de rémunération mais qui n’appartient pas aux producteurs eux-mêmes, car nous savons que celui-ci ne sera pas durable, et certainement pas plus équitable.

La PAC et le Pacte vert pour l’Europe

Sur un marché correctement réglementé, les acheteurs et transformateurs de lait ont tous un rôle à jouer. Au niveau de l’UE, la Politique agricole commune (PAC) et le Pacte vert pour l’Europe doivent être axés sur la durabilité sociale et environnementale. Pour que le marché puisse contribuer à une telle transformation du secteur agricole, les prix doivent être fixés à un niveau suffisamment élevé pour que les agriculteurs puissent couvrir entièrement leurs coûts. Qui plus est, des outils doivent être mis en place afin de freiner le déclin rapide du nombre d’agriculteurs.

Instauration de conditions de concurrence équitables

Les produits agricoles importés devraient être soumis à des « clauses miroirs », en vertu desquelles les produits agricoles qui ne sont pas conformes aux normes de l’UE ne peuvent pas accéder au marché de l’UE. Les consommateurs de l’UE ont le droit de bénéficier des mêmes protections sanitaires et environnementales, quel que soit le lieu de production de leurs aliments. En remplaçant les produits locaux de l’UE, plus coûteux à produire en raison de normes locales plus strictes qui leur sont imposés, par des importations « bon marché », on ne fait que déplacer en dehors de l’UE la production et les émissions nocives à l’environnement.

 

Boris Gondouin, membre du comité directeur de l’EMB et de l’APLI

Lettre ouverte adressée par les agriculteur·rice·s européen·ne·s à l’Union européenne

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© ECVC et EMB

Nous, les agriculteur·rice·s européen·ne·s de la Coordination Européenne Via Campesina (ECVC) et de l’European Milk Board (EMB), qui sommes au cœur de la production alimentaire en tant que producteurs agricoles, observons avec une grande inquiétude l’état actuel du système de production de l’UE. Sans action immédiate, l’approvisionnement en denrées alimentaires de première nécessité et donc, la sécurité alimentaire le l'UE, ne peut plus être garanti.

 

Il est indéniable que la guerre en Ukraine et la pandémie de coronavirus représentent deux défis de taille pour l’approvisionnement alimentaire de l’Union européenne. Toutefois, un autre facteur déterminant met gravement en péril la sécurité alimentaire : le système agricole actuel de l’UE. Certes, l’UE peut difficilement éviter les guerres et les pandémies exogènes, mais elle peut et doit orienter son modèle agricole de manière à garantir l’approvisionnement en denrées alimentaires à moyen et long terme – et ce, indépendamment des crises internes et externes. À défaut, les rayons vides et les pénuries alimentaires, ainsi que toutes les conséquences négatives qui en découlent, feront partie intégrante de notre quotidien.

Le statu quo du système agricole européen n’est pas une option valable pour les agriculteurs ni pour la planète : des structures de production défaillantes

Nous assistons à un déclin inquiétant du nombre de producteur·rice·s. En effet, les prix à la production chroniquement extrêmement bas par rapport aux coûts de production ont déjà contraint de nombreux·ses agriculteur·rice·s à cesser leur production de denrées alimentaires, car, malgré un travail acharné, il·elle·s parviennent à peine à subvenir à leurs besoins. À titre d’exemple, dans le secteur laitier, le revenu horaire moyen d’un·e producteur·rice laitier·ère dans l’UE est de 4,19 euros, sachant que, concrètement, ce revenu s’élève à 0 euro pour les producteur·rice·s néerlandai·se·s et à respectivement 5,25 euros et 6,10 euros pour leurs collègues luxembourgeoi·se·s et allemand·e·s. En outre, les crises et les incertitudes récurrentes ainsi que les exigences plus élevées et non-rémunératrices de la part du législateur, de la transformation et de la distribution poussent les agriculteur·rice·s à abandonner leurs activités de production et empêchent la jeune génération de s’installer, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. On observe ainsi une baisse du volume de lait dans les grands pays producteurs comme la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.

L’explosion actuelle des coûts accélère cette évolution, si bien que la structure actuelle et future de production ne permettra pas de produire des denrées alimentaires de manière stable au sein de l’UE.

La cause principale de l’état problématique de l’agriculture est l’orientation actuelle de la politique agricole de l’UE axée sur une production et des exportations à bas prix, une forte libéralisation des échanges, une dépendance mondiale et une dérégulation interne, ainsi que les nombreuses crises qui en découlent dans le secteur et qui ont usé la structure de production. Cette orientation, qui nuit en outre à l’autonomie des exploitations et à celle de l’UE en raison de la forte dépendance qu’elle engendre, profite aux entreprises multinationales, mais s’avère fatale pour les agriculteur·rice·s sur le plan économique et social. Les marges des producteur·rice·s se sont considérablement réduites au cours des trois dernières décennies. Dans le secteur de la production laitière, cet effondrement se reflète notamment dans la marge économique nette I de l’UE, qui s’élevait à 3,79 cts par kg de lait en 1989 et qui est passée en 2019 à -4,96 cts par kg de lait, soit une valeur négative considérable. Dans de telles conditions, il devient impossible pour les petites et moyennes exploitations – l’épine dorsale de notre agriculture et de la vie rurale – en particulier de maintenir leur activité, mais les grandes exploitations ne sont pas épargnées non plus.

La structure de production solide et répartie sur l’ensemble du territoire est en train de céder sa place à une concentration sur quelques sites de production et donc, à une industrialisation malsaine de la production. Pour toutes ces raisons, le statu quo n'est pas une option valable pour les agriculteur·rice·s et les citoyen·ne·s.

  • Les prix de production doivent être liés aux coûts de production. Aucun produit agricole ne doit être vendu à un coût inférieur aux coûts de production ! En Espagne, l’adoption d’une telle disposition légale dans le cadre de la directive sur les pratiques commerciales déloyales a effectivement permis d’améliorer les prix. Au niveau de l’UE, il est nécessaire d’instaurer une obligation effective garantissant que le prix reflète au moins les coûts de production. Tout doit être mis en œuvre pour éviter la disparition des producteur·rice·s et permettre à la nouvelle génération de s’installer.

  • Il faut arrêter ou inverser le processus de déréglementation ! L’objectif doit être d’équilibrer le marché. Des instruments de crise appropriés doivent être intégrés dans le système agricole de l’UE. Cela implique un mécanisme d’alerte précoce efficace et qui utilise les bons indicateurs reflétant les coûts de production réels, incluant un revenu adéquat pour les producteur·rice·s.

  • En ce qui concerne le secteur laitier, par exemple, nous avons besoin d’autres objectifs et d’une autre gouvernance pour le GDC Lait et le MMO (Observatoire du marché du lait), qui doivent travailler activement à une répartition équilibrée et équitable de la valeur ajoutée et ne pas se contenter de continuer à observer passivement les distorsions de loin.

Pacte vert pour l’Europe et stratégie « De la ferme à la table » : deux stratégies de durabilité qui n’impliquent pas suffisamment la participation des agriculteurs et qui ne sont pas accompagnées des outils nécessaires à leur mise en œuvre

Les politiques environnementales et climatiques ne peuvent pas être efficaces si elles ne sont pas dotées d’outils appropriés et si les producteur·rice·s agricoles ne sont pas impliqué·e·s. Or, ces points ont été fortement négligés dans le Pacte vert et la stratégie « De la ferme à la table ». La structure de production, déjà défaillante, aurait dû être réformée afin de créer les conditions favorables au succès des stratégies de durabilité. Cette occasion n’a pourtant pas été saisie.

En outre, les producteur·rice·s devraient disposer d’outils leur permettant d’atteindre les nombreux objectifs de durabilité. Il est tout bonnement impossible d’imposer des objectifs aux producteur·rice·s et de leur faire assumer toutes les charges liées à ces stratégies alors que leurs revenus agricoles sont déjà extrêmement faibles.

  • Les producteur·rice·s doivent être placé·e·s au cœur des stratégies agricoles et jouer un rôle de premier plan dans leur élaboration. Les responsables politiques doivent coopérer avec les agriculteur·rice·s. Des outils suffisants permettant d’atteindre les objectifs de durabilité doivent être mis à disposition, notamment en offrant les moyens de se déployer au circuit court, au commerce équitable et à la restauration collective. Le Pacte vert doit être utilisé pour réformer le système actuel et en faire un modèle socialement durable. Sans l’implication des personnes qui produisent des aliments dans les exploitations européennes, le Pacte vert pour l’Europe et la stratégie « De la ferme à l’assiette » ne pourront pas être mis en œuvre.

Des importations non conformes aux normes européennes

Le fait que les produits agricoles importés ne répondent pas aux normes européennes dans de nombreux domaines expose les consommateur·rice·s européen·ne·s à des risques sanitaires accrus et les agriculteur·rice·s de l’UE à des distorsions de concurrence préjudiciables. Alors que les normes de durabilité imposées dans l’UE seront toujours plus strictes à l’avenir, on peut s’attendre à des distorsions encore plus importantes si ces normes ne sont pas respectées en dehors de l’UE.

  • En revanche, il est nécessaire d’introduire des clauses miroir garantissant que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux importés répondent aux exigences de l’UE, tout en veillant à ce que leur respect soit assuré par un nombre suffisant de contrôles et de sanctions.

La libéralisation des échanges et les exportations à bas prix soumettent la production intérieure à une forte pression, tant au sein de l’UE que dans le reste du monde

Dans un contexte de libéralisation accrue des échanges, la dépendance de l’UE vis-à-vis des marchandises produites en dehors de ses frontières a considérablement augmenté et ce sont les prix extérieurs, mondiaux et bon marché qui prédominent, au détriment, par exemple, des prix adéquats appliqués dans l’UE et qui correspondent aux normes et aux coûts de production locaux. Cette situation où les produits sont vendus à bas prix met les producteur·rice·s du monde entier sous pression, comme nous le voyons, par exemple, dans l’UE avec les prix extrêmement bas payés aux producteurs et en Afrique de l’Ouest, où nos collègues subissent le dumping pratiqué sur leurs marchés avec du lait en poudre vendu à bas prix.

  • Il faut réduire la dépendance vis-à-vis des importations et les exportations nuisibles à bas prix en excluant l’agriculture de l’OMC et des accords de libre-échange. Une politique commerciale européenne responsable ne doit plus laisser de place au dumping qui est pratiqué en vendant des produits à bas prix sur des marchés sensibles.

Les agriculteur·rice·s des organisations ECVC et EMB sont profondément préoccupé·e·s et alarmé·e·s. Notre système agricole doit être réformé DÈS MAINTENANT. Il n’y a pas de temps à perdre : au sein de l’UE, cela fait un moment que nous marchons sur un terrain glissant et nous avons déjà trébuché à de nombreuses reprises. Tous les efforts doivent maintenant être déployés pour stabiliser durablement notre structure de production en termes de durabilité et de résilience, dans la perspective de la souveraineté alimentaire dans l’UE et partout dans le monde. Sans la contribution des personnes impliquées dans la production alimentaire, nous manquerons de denrées alimentaires et cette pénurie aura un effet dévastateur sur notre sécurité alimentaire au sein de l’UE.

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European Milk Board et Coordination Européenne Via Campesina (ECVC)

Assemblée générale - les producteurs laitiers de toute l’Europe actifs sur le plan politique et le marché pour une production agricole équitable

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© EMB, Stephanie Heyworth

Avec plus de 20 organisations membres réparties dans de nombreux pays européens, l’European Milk Board (EMB) représente les producteurs laitiers auprès des politiques, des transformateurs et des distributeurs. Grâce à leurs projets de Lait équitable, les membres de l’EMB participent de façon constructive au marché et obtiennent des prix équitables pour les agriculteurs et agricultrices. Lors de leur Assemblée générale qui s’est tenue au mois de juin, des représentants d’organisations membres de l’EMB de toute l’Europe se sont réunis afin d’analyser ensemble les défis auxquels le secteur est confronté en raison de crises externes et internes, et de la politique agricole de l’UE.

 

Les participants étaient d’accord sur le fait qu’aujourd’hui plus que jamais, les producteurs et productrices de lait de toute l’Europe nécessitent une bonne représentation et que l’organisation faîtière effectue un travail politique constructif et essentiel. En l’absence de celui-ci, les intérêts et les revendications des agriculteur·rice·s et des citoyen·ne·s de l’UE concernant une production stable dans l’UE ne seraient pas entendus. Dans ce contexte, l’EMB regrette que les intérêts des agriculteur·rice·s ne soient pas véritablement représentés par certaines grandes associations au niveau de l’UE qui, par définition, devraient défendre les fermes et les agriculteurs.

Un sujet important : la situation économique et sociale des fermes

Comme l’a démontré l’analyse de la situation économique et sociale des fermes présentée lors de l’Assemblée générale de l’EMB, le système agricole actuel n’est pas en mesure de garantir une structure de production stable avec suffisamment de fermes robustes. Il convient donc de prendre des mesures importantes pour lesquelles les représentants d’agriculteur·rice·s de toute l’UE devraient s’engager. Dr Karin Jürgens, du Bureau d’agriculture et de sociologie agricole (Büro für Agrarsoziologie und Landwirtschaft, BAL), a présenté l’étude sur les marges aux participants, ainsi qu’un calcul de coûts actuel allant jusqu’à l’année 2021 qui démontre une dégradation systématique des marges, des prix et des coûts des producteurs de lait ces dernières décennies.

En effet, la performance économique nette I (Net Economic Margin I) qui était de 3,79 ct par kg de lait en 1989 a chuté à -4,96 ct par kg en 2019. En outre, la situation actuelle des coûts et des prix pour l’année 2021 démontre, par exemple, que la part non-couverte des coûts s’élève à environ 20 pour cent pour la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg, à environ 30 pour cent pour la France et les Pays-Bas, et atteint même les 43 pour cent en Lituanie. Cela a des conséquences désastreuses sur le revenu des agriculteur·rice·s. Ainsi, il ne restait aux agriculteur·rice·s allemand·e·s que 6,10 euros de l’heure, et les collègues luxembourgeois ont travaillé pour un salaire horaire de 5,25 euros. Les agriculteur·rice·s français·e·s n’ont reçu que 3,09 euros. Quant aux producteur·rice·s lituanien·e·s, leur salaire horaire de 2,33 euros ne leur a même pas permis de toucher le salaire minimum national. Concernant la moyenne des producteur·rice·s de lait danois·es et néerlandais·es, l’année 2021 s’est terminée dans le rouge. Cette analyse récente sur les coûts de l’année 2021 a été complétée par des chiffres sur l’évolution des prix du premier trimestre de l’année 2022 qui illustrent clairement que l’envolée des coûts des aliments pour bovins, des engrais et de l’énergie a tiré vers le haut les coûts de production des agriculteur·rice·s. Rien qu’en France, l’analyse de tendance indique, par exemple, que les coûts d’achat des aliments pour animaux sont passés de 10,57 centimes (moyenne pour l’année 2021) à 14,49 centimes par kilogramme de lait au mois d’avril 2022. Cela frustre les attentes selon lesquelles la hausse parallèle des prix du lait apportera les allègements économiques urgemment nécessaires.

Un cadre législatif pour un prix rémunérateur et des clauses miroir sur les produits importés

Les représentants de l’EMB ont souligné que pour parvenir à une production laitière stable, il est nécessaire de mettre en place un cadre législatif qui garantisse que les coûts de production, y compris un revenu équitable pour les producteurs, se reflètent effectivement dans les prix. Une loi adoptée en 2021 en Espagne qui impose des prix supérieurs aux coûts de production pourrait servir d’exemple pour un cadre européen. Une telle loi devrait être adoptée au niveau européen et devrait, avant tout, être efficacement mise en oeuvre.

Dans le domaine de la politique commerciale, l’assemblée a évoqué les clauses miroir sur les biens importés. Celles-ci devraient garantir que les produits importés soient en conformité avec les normes de production de l’UE et permettre ainsi d’éviter, d’une part, les distorsions de concurrence qui nuisent aux producteurs laitiers et, d’autre part, les risques accrus pour la santé des consommateur·trice·s européen·ne·s.

La durabilité sociale et économique au sein des projets de Lait équitable

En tant que représentation active des intérêts des producteurs de lait opérant directement sur le marché, les projets de Lait équitable, menés avec succès par des membres de l’EMB dans divers pays, constituent de véritables preuves. Ils sont la preuve vivante que des prix équitables qui garantissent également un revenu équitable aux producteurs, sont loin d’être illusoires, bien au contraire. Cependant, de tels projets ne peuvent fonctionner que si l’accent est mis sur la durabilité sociale, ce qui n’est pas le cas dans le système politique, dans les coopératives, chez les transformateurs privés ou la grande distribution. Ces projets durables et uniques ont pour objectif de permettre une répartition équitable de la valeur tout au long de la chaîne de production, et sont un exemple à suivre d’un système qui devrait être implanté dans toute l’UE et ne pas rester un marché de niche.

Les projets de Lait équitable sont entièrement mis sur pied et gérés avec beaucoup de passion, d’énergie et de travail par les agriculteur·rice·s et, à côté du travail politique qu’effectuent les membres de l’EMB, constituent un pilier important pour la représentation des intérêts des producteurs et productrices de lait dans l’UE. Ce travail de représentation axé sur la durabilité sociale et économique des fermes – les participants à l’assemblée générale étaient unanimes – est mené par les agriculteur·rice·s de l’EMB avec un grand élan. Ils invitent tous les acteurs du système agricole – qu’il s’agisse d’associations, de représentants politiques, de distributeurs ou de transformateurs – à prendre part à ce travail pour promouvoir un système de production européen équitable et stable.

 

Communiqué de presse de l'EMB du 24 juin 2022

Indicateurs de marché (au 11/07)

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Les augmentations enregistrées par le Global Dairy Trade Index ont cessé mi-mars 2022. Depuis lors, l’indice a baissé de façon continue – début mai, par exemple, il a diminué de 8,5 %. La brève reprise intermédiaire, qui sest traduite par une hausse de 1,5 % le 7 juin, ne sest pas poursuivie : le 21 juin, l’indice a chuté de 1,3 %, puis encore de 4,1 % le 5 juillet 2022.

 

Le prix moyen du lait spot italien, qui se trouvait encore à 44,75 centimes par kg de lait au mois de janvier 2022, a déjà été annoncé à 64,75 centimes le 11 juillet 2022, ce qui correspond à une hausse de 45 %. Si l’on tient compte de la valeur de l’année précédente de 39,81 centimes (juillet 2021), il s’agit d’une augmentation de 62 %. Comparé à la valeur du mois d’avril de l’année dernière, où le lait était payé 32,13 centimes par kg, le prix du lait spot actuel a doublé.

Le prix du lait dans les 27 pays de l’UE se trouvait encore à 41,81 centimes par kg de lait en janvier 2022. Il a depuis connu une hausse de 16 % pour atteindre 48,52 centimes (juin 2022). En comparaison avec juin 2021, ceci représente une majoration d’environ 36 %.

À la mi-mars 2022, le prix du beurre dans l’UE était de 614 euros pour 100 kg. Il a ensuite augmenté d’environ 18 % en juillet pour arriver à 727 euros. Comparé à la semaine précédente (26 juin 2022), il a grimpé de 0,7 %. L’année dernière, le prix du beurre dans l’UE était à un niveau bien moins élevé se chiffrant à 400 euros (4 juillet 2021).

Les prix du lait écrémé en poudre dans l’UE sont actuellement (3 juillet 2022) de 399 euros pour 100 kg, soit une baisse de 0,5 % en comparaison avec la semaine précédente et d’environ 1,2 % sur quatre semaines. Un an auparavant, il se trouvait encore à 225 euros (4 juillet 2021). Le prix avait atteint la barre des 300 euros en novembre 2021 pour ensuite dépasser les 400 euros fin mars 2022, un seuil au-dessus duquel il sest maintenu presque constamment depuis lors jusquà fin juin 2022.

Les cours des contrats à terme sur les produits laitiers à l’European Energy Exchange (EEX) : les contrats du lait écrémé en poudre pour le mois d’octobre 2022 ont diminué, allant de 4 138 euros le 8 juin 2022 à 3 708 euros par tonne le 8 juillet 2022, soit une baisse de 10 %. Pour le beurre, les contrats du mois d’octobre ont également connu une baisse pour la même période : une diminution d’environ 6 %, soit une évolution de 7 338 euros (8 juin 2022) à 6 866 euros par tonne (8 juillet 2022).

 

European Milk Board, juillet 2022

Avril 2022 en Allemagne : les coûts sont presque couverts

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Selon les résultats de l’étude trimestrielle sur les coûts de production en Allemagne, réalisée par le BAL (Büro für Agrarsoziologie und Landwirtschaft), les coûts de production – situation actuelle d’avril 2022 – se montaient à 47,60 ct par kg, alors que le prix payé aux producteurs était de 47,20 ct par kg pour la même période. Les coûts sont pour la première fois presque couverts.


Pour l’EMB, il est clair que de nombreux producteurs de lait ont cessé leurs activités en raison de la part non couverte forte et continue des coûts de ces dernières années. C’est l’une des raisons principales qui sous-tend l’offre réduite, responsable de la hausse des prix du lait. Une couverture des coûts sur le court terme ne résoudra pas le problème de l’instabilité de la structure de production. Plutôt qu’une rare exception, la couverture des coûts devrait être la norme sur le long terme faisant partie du quotidien des agriculteurs afin qu’une souveraineté alimentaire stable puisse être garantie. La couverture des coûts devient fiable quand les prix du lait s’orientent aux coûts de production et qu’ils incluent un revenu adapté pour les producteurs et productrices. À cette fin, des conditions-cadres doivent être élaborées dans l’UE, qui comprennent entre autres des organisations de producteurs transversales suffisamment fortes, des instruments de crises comme le Programme de responsabilisation face au marché (PRM), une PAC socialement durable ainsi qu’une contractualisation équitable ou encore des clauses miroirs pour les importations de l’UE.

Avec les chiffres d’avril 2022, le calcul des coûts de production du lait a été adapté aux dernières données RICA de 2020. Des chiffres pour l’année 2021 pour l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, l’Irlande, la Lituanie, le Luxembourg et les Pays-Bas ont récemment été publiés. Vous trouverez ici cette analyse actuelle pour l’année 2021 ainsi que des perspectives pour le premier trimestre en 2022 pour certains pays.

Évolution des coûts de la production laitière en Allemagne

Le tableau ici montre l’évolution des coûts de la production laitière en Allemagne de 2014 à avril 2022.

Rapport prix-coût (part non couverte des coûts)

Le rapport prix-coût illustre la mesure dans laquelle le prix du lait couvre les coûts de production. En avril 2022, le prix du lait a permis aux producteurs et productrices de couvrir 99 % de leurs coûts de production ; la part non couverte des coûts est donc de 1 %.
Le graphique ci-dessous illustre ce déficit depuis 2014 :

Indice laitier MMI

L’indice MMI montre l’évolution des coûts dans la production laitière. En avril 2022, l’indice MMI avait une valeur de 116. En d’autres termes, les coûts de production des exploitations laitières ont augmenté de 16 % par rapport à l’année de référence 2015 (2015 = 100).
Voyez ci-dessous l’évolution de l’indice MMI dans le temps :

 

Étude sur les coûts de production du lait bio

Depuis novembre 2019, une étude sur les coûts de production du lait bio en Allemagne est également disponible (période : de 2011/12 à 2018/19). Vous trouverez les résultats ici ainsi que des données actuelles pour l’année 2020/21 ici.

Étude sur les coûts de production de huit des principaux pays producteurs de lait

Une étude sur les coûts de production est aussi effectuée régulièrement dans sept autres pays. Ici aussi, les résultats révèlent que le prix que reçoivent les producteurs et productrices de lait ne leur permet pas de couvrir leurs coûts de production.
Les résultats de l’étude sur les coûts de production du lait en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en France, en Irlande, en Lituanie, au Luxembourg et aux Pays-Bas en 2019 est disponible ici. Vous trouverez ici une mise à jour pour l'année 2021 avec des perspectives pour le premier trimestre de 2022.

On observe un manque à gagner chronique dans la production laitière – comment y remédier ?

L’European Milk Board propose d’ancrer dans la législation un instrument de gestion de crise capable d’agir contre le déficit chronique dans la production laitière. Le Programme de responsabilisation face au marché (PRM) permet d’observer les signaux du marché et d’y réagir par un ajustement de la production.
Lisez ici une brève description du Programme de responsabilisation face au marché (PRM) de l’EMB.

 

Contexte :

Dans le cadre de l’étude « Combien coûte la production de lait ? » réalisée pour le compte de l’European Milk Board et de MEG Milch Board, le BAL (Büro für Agrarsoziologie und Landwirtschaft) a procédé pour la première fois en 2012 à un calcul des coûts de la production laitière sur l’ensemble du territoire allemand. Ce calcul se base sur les données du Réseau d’information comptable agricole de la Commission européenne (RICA) et du Bureau fédéral allemand de la statistique (Destatis) et il est actualisé sur base trimestrielle depuis 2014.

Télécharger la fiche descriptive ici

 

Communiqué de presse de l'EMB du 18 juillet 2022

La nouvelle PAC de l’Irlande

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La nouvelle Politique agricole commune irlandaise, qui entrera en vigueur en 2023, sera très différente de la précédente en termes d’implications pour les exploitations familiales et les fournisseurs de produits laitiers. Axée sur l’environnement et la réduction de la dépendance à l’égard des intrants en combustibles fossiles, elle aura une incidence considérable sur les producteurs de lait irlandais.

 

Qu’il s’agisse des programmes écologiques, du programme en faveur des jeunes agriculteurs ou du mécanisme de redistribution, tous subiront une réduction linéaire de 38 % avant que les réductions résultant de la convergence de 85 % ne soient calculées. En bref, la nouvelle PAC entraînera une réduction significative des fonds alloués aux exploitations laitières. Vous trouverez ci-dessous un résumé complet de ce qui est proposé et est susceptible d’être modifié étant donné que le Plan stratégique est toujours en cours de négociation avec la Commission européenne.

Pilier 1 :

Aide de base au revenu pour un développement durable (BISS)

  • La proposition est de continuer à faire converger la valeur des droits au paiement pour atteindre une valeur minimale de 85 % de la moyenne d’ici 2026.
  • Un paiement BISS de 66 000 € maximum.

Aide redistributive complémentaire au revenu pour un développement durable (CRISS)

La proposition est d’allouer 10 % du plafond des paiements directs au CRISS. Il est également proposé de verser le CRISS jusqu’aux 30 premiers hectares à un taux d’environ 43 € par hectare.

Aide au revenu complémentaire pour les jeunes agriculteur·rice·s (CIS-YF)

Dans le cadre de la mesure CIS-YF, la proposition prévoit un paiement par hectare éligible, dans la limite de 50 hectares par demandeur éligible. Cela devrait se traduire par un taux moyen d’environ 178 € par hectare sur la période de la PAC, même si les taux exacts fluctueront en fonction de la participation.

Programme écologique (« éco-régimes »)

Un agriculteur doit mettre en œuvre au moins deux des huit pratiques agricoles (« éco-régimes ») mentionnées ci‑dessous pour recevoir le paiement au titre du programme écologique.

  1. Espace pour la nature : au moins 7 % de l’exploitation d’un agriculteur doit être consacré à la biodiversité, aux habitats ou aux caractéristiques du paysage ; lorsque cette surface atteint 10 %, on considère que deux pratiques ont été mises en œuvre.

  2. Production animale extensive : densité de pâturage minimale de 0,15 UGB/ha.

  3. Limitation de l’utilisation d’engrais chimiques azotés.

  4. Plantation d’arbres et de haies indigènes.

  5. Utilisation d’un épandeur ou pulvérisateur d’engrais piloté par GPS.

  6. Échantillonnage du sol et chaulage approprié sur tous les hectares éligibles.

  7. Plantation d’une ou plusieurs intercultures.

  8. Semis d’une prairie multi-espèces.

Taux de soutien/dotation financière proposés

Si 85 % des hectares éligibles actuellement revendiqués par les agriculteurs participent avec succès au programme et en supposant que tous les hectares bénéficient du même taux de paiement, celui-ci s’élèverait à environ 77 € par hectare.

Pilier II

Mesures agro-environnementales et climatiques (AECM)

Un total de 1,5 milliard d’euros a été alloué aux AECM. On estime à 50 000 le nombre d’agriculteur·rice·s susceptibles d’avoir recours à ces mesures. Les taux de paiement varieront en fonction des actions choisies par l’agriculteur. Les paiements moyens devraient avoisiner les 5 000 € par an sur la période de cinq ans du programme, avec la possibilité d’atteindre un maximum de 7 300 €.

Formation agro-environnementale et climatique

Deux cours de formation sont proposés aux agriculteur·rice·s participant à ce programme. Le premier cours est obligatoire et doit être suivi durant la première année complète de participation à la mesure agroenvironnementale et climatique nationale et s’appuiera sur la formation dispensée aux agriculteur·rice·s durant la période de transition.

Programme de bien-être des bovins laitiers

Le nombre maximum d’animaux éligibles par demandeur est de quarante ; l’agriculteur·rice recevra 20 euros par animal. La dotation financière indicative annuelle pour cette mesure s’élève à 5 millions d’euros, soit une dotation financière indicative totale de 25 millions d’euros pour la période 2023-2027.

Programme d’investissement en capital dans les exploitations agricoles

À l’instar du programme TAMS II (Programme de modernisation ciblée de l’agriculture), ce programme sera mis en œuvre par tranches successives. Un système de classement et de sélection sera prévu. Des subventions seront accordées pour des investissements dans les catégories suivantes :

  • Investissements en faveur de l’environnement
  • Jeunes agriculteurs
  • Bien-être animal
  • Agricultrices
  • Stockage des nutriments
  • Agriculture biologique
  • Travail du sol
  • Sécurité agricole

Le programme comprendra une aide à un taux de subvention de 40 % pour les investissements et un taux de subvention plus élevé de 50 % pour des investissements spécifiques, notamment liés à l’environnement, à l’agriculture biologique et à la sécurité agricole. Un taux de subvention de 60 % sera proposé aux jeunes agriculteurs ainsi qu’aux agricultrices pour favoriser le renouvellement des générations et l’équilibre hommes-femmes. Les plafonds d’investissement seront portés à 90 000 euros, avec un plafond distinct pour les équipements à faibles émissions pour l’épandage du lisier. Ce programme étant axé sur la demande, la dotation financière indicative pour cette intervention variera d’année en année. La dotation financière indicative totale pour cette intervention s’élève à 440 millions d’euros pour la période 2023-2027.

 

Paul Smyth, conseiller politique, Irish Creamery Milk Suppliers Association (ICMSA)

La PAC en Belgique : développements divergents en Flandre et la Wallonie

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© Vanessa Langer

En Belgique, les compétences liées à l’agriculture sont gérées par les régions et non pas par l’État fédéral. Ce dernier ne fait que coordonner le dialogue au niveau européen. Si dans certains cas cela permet de mieux tenir compte de spécificités locales, dans d’autres cas cela induit une concurrence inutile entre agriculteurs.

 

Ainsi, à chaque nouvelle réforme, les mesures de la Politique agricole commune (PAC) peuvent différer de plus en plus entre les agriculteurs et agricultrices du nord (Flandre) et ceux du sud du pays (Wallonie). Un exemple frappant est celui du développement de l’agriculture biologique. En 2020, 15 % des fermes wallonnes travaillaient dans le bio, contre seulement 2,5 % en Flandre. Avec la nouvelle PAC, cet écart pourrait encore s’accroître, mais il est encore tôt pour en parler avec précision.

En effet, la Wallonie a soumis sa proposition de « Plan stratégique PAC 2023-2027 » en mars 2022 à la Commission européenne, qui a émis une série de remarques. Le plan doit donc être revu, et sa version définitive n’a pas encore été publiée, alors qu’il doit entrer en vigueur le 1er janvier 2023 !

Sur le fond, le MIG défend avant tout l’accès des producteurs laitiers à une rémunération qui couvre entièrement leurs coûts de production et leur procure un revenu décent. Le MIG rappelle qu’à ce titre, il faut distinguer les mesures de la PAC en faveur du soutien au revenu – qui reste malheureusement justifié – de la nécessaire rémunération des services environnementaux prestés par les agriculteurs et éleveurs. Le MIG est en faveur de mesures qui permettent le maintien d’une agriculture familiale, actrice de la nécessaire transition agroécologique. Le Pacte vert représente à ce titre une impulsion positive.

Concrètement, les mesures d’aide défendues par le MIG ont en grande partie été intégrées dans la proposition de Plan stratégique de la Wallonie sur base des informations actuelles :

  • Le budget réservé au paiement redistributif sur les 30 premiers hectares (mesure équitable entre tous les agriculteurs wallons) de chaque exploitation a été revu à la hausse. Il représentera environ 130 €/ha, qui contribueront à maintenir des exploitations de taille familiale.

  • Les aides couplées aux vaches laitières ont été maintenues. Elles s’élèveront à maximum 25 euros par vache.

  • Des éco-régimes éligibles dans les exploitations laitières, tels que le maintien des prairies permanentes (montant de base 44 euros/ha) et la couverture des sols (prairies incluses) en hiver (15 à 45 €/ha) sont prévus.

Le MIG reste très attentif à la mise en pratique de ces mesures, dont les conditions n’ont pas encore été clairement définies.

 

Benoît Haag, chargé de mission, Milcherzeuger Interessengemeinschaft (MIG)

Plan stratégique de la PAC : l’Allemagne doit faire mieux

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© BDM, Hans Foldenauer

Élaboré par l’ancien gouvernement allemand et présenté à l’UE avec environ deux mois de retard, le Plan stratégique de la PAC, dont le contenu doit permettre d’atteindre les objectifs de la PAC (agriculture plus efficace sur le plan climatique, réduction de la dépendance aux engrais synthétiques, diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires chimiques…), ne répond pas aux attentes de la Commission européenne.

 

Dans sa lettre d’observation, la Commission a notamment demandé à l’Allemagne d’adapter les fonds destinés aux éco-régimes afin que le minimum prévu de 25 % des paiements directs soit également utilisé par le secteur agricole. Cela laisse supposer que les éco-régimes ne sont pas assez attrayants d’un point de vue financier et que les agriculteurs pourraient renoncer aux primes. Les exceptions à l’obligation d’aménager des zones tampons le long des cours d’eau y sont également critiquées.

La Commission européenne estime que des mesures supplémentaires sont nécessaires pour réduire les pertes de nutriments et qu’il est urgent de s’attaquer au problème de la pollution et de l’eutrophisation des eaux souterraines et de surface. En outre, elle considère qu’il est nécessaire d’inclure des exigences supplémentaires afin d’empêcher la poursuite du drainage des tourbières et des zones humides. Et ce ne sont là que quelques-unes des lacunes présentées dans la lettre d’observation qui compte une cinquantaine de pages. Fondamentalement, cela rappelle au BDM la stratégie allemande en matière de transposition des directives adoptées conjointement au niveau de l’UE.

En effet, lors de la mise en œuvre de la directive européenne sur les nitrates, l’Allemagne avait tenté de se tirer d’affaire en transposant la régulation en matière de fertilisants dans le droit national, afin d’obtenir un avantage concurrentiel par rapport aux autres pays de l’UE. Si le résultat de cette décision est bien connu, les restrictions dans les conditions de production sont d’autant plus difficiles à accepter pour les agriculteur·rice·s. Le BDM espère que cette erreur ne sera pas répétée lors de la mise en œuvre de la PAC. Il faut donner une véritable valeur marchande aux contributions de l’agriculture à la protection du climat, de la nature et de l’environnement ; une simple compensation pour les dépenses supplémentaires nécessaires à cet effet n’est pas une solution acceptable.

Une fourchette de prix extrêmement large pour les producteurs de lait en Allemagne

Avec un prix de 57 centimes par kg de lait (prix de base pour 4 % de matière grasse, 3,4 % de matière protéique) plus la TVA et les suppléments, les laiteries du nord de l’Allemagne enregistrent une valeur record sans précédent pour le lait au mois de mai. Avec un prix de base de 40,20 centimes par kg, la laiterie Berchtesgadener Land eG (dont on a tant vanté les mérites et qui a longtemps été en tête du classement des prix du lait payés au producteur) se retrouve à la dernière place. Arla, dont le prix du kilo de lait s’élevait à 39,17 centimes en avril, n’a publié aucun prix pour le mois de mai. Deutsche Milchkontor (DMK), le plus grand transformateur laitier d’Allemagne, situé dans la même zone de collecte et d’action que le plus gros payeur, a payé 46,20 centimes par kg à ses membres. Avec un écart de presque 11 centimes par kg par rapport au leader du marché, DMK se situe également environ 3 centimes par kg en dessous de la moyenne allemande.

Nette baisse de la consommation en Allemagne

Moins 11,8 % de beurre, moins 9,4 % de lait de consommation, moins 6,5 % de fromage blanc, moins 4,1 % de fromage : au premier trimestre 2022, les quantités achetées par les ménages privés ont diminué par rapport à l’année précédente. Une baisse de la demande de 4,6 % a aussi été observée pour les graisses végétales telles que la margarine. Notons cependant que la consommation hors domicile est repartie à la hausse grâce aux assouplissements des mesures anti-Covid. Dans l’ensemble, on observe toutefois un comportement d’achat plus conscient de la part des consommateur·rice·s ; le gaspillage de denrées alimentaires diminue quelque peu. Cette évolution montre à quel point il serait important de pouvoir réagir aux changements du marché grâce à une organisation interprofessionnelle agricole agissant de manière autonome et indépendante de la politique, des niveaux de transformation et de la distribution.

Campagne du BDM à l’occasion de la Journée du lait : Quand les producteurs sont rémunérés équitablement, tout le monde est gagnant – Il y en a assez pour tous – Non au gaspillage des ressources

Le 1er juin, à l’occasion de la Journée mondiale du lait, une délégation d’agriculteurs du BDM a organisé un petit-déjeuner intitulé « Meet & Eat » devant le ministère fédéral allemand de l’Alimentation et l’Agriculture (BMEL) à Berlin.

À cette occasion, la délégation a remis à Mme Manuela Rottmann (secrétaire d’État parlementaire du ministère) un document de position demandant au ministère de l’Alimentation et l’Agriculture de s’engager en faveur de changements systémiques de la production alimentaire afin de lutter contre la pauvreté et la faim et de s’engager en faveur de conditions-cadres appropriées pour une rémunération équitable des producteur·rice·s. À cette occasion, une grande roue a été construite par les participants afin d’attirer l’attention sur le fait que, pour obtenir de réelles évolutions bénéfiques pour les êtres humains, les animaux et l’environnement, faire de simples ajustements ne suffira pas, de profonds changements seront nécessaires.

 

Hans Foldenauer, porte-parole, Bundesverband Deutscher Milchviehhalter (BDM)

Le Plan stratégique lituanien

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© LPGA

En Lituanie, les agriculteurs et agricultrices se disent déçus de la manière dont le Plan stratégique lituanien de la nouvelle Politique agricole commune a été élaboré. Le ministère lituanien de l’Agriculture a travaillé sur le plan stratégique à huis clos, excluant les agriculteurs du processus et ne tenant pas compte de leur contribution – doù l’insatisfaction des producteurs de lait quant à l’issue de ce plan.

 

Dans ce contexte, les organisations d’agriculteurs, dont le LPGA, ont exprimé leur mécontentement à l’égard du travail du ministère. En outre, la Lituanie n’a pas saisi l’occasion de recourir aux fonds de la Facilité pour la reprise et la résilience (FFR) du Fonds européen agricole pour le développement rural visant à moderniser l’agriculture et à développer de nouvelles technologies.

Le gouvernement a préféré affecter une infime partie des fonds disponibles à la restauration des zones humides, sans consacrer aucun fonds du FRR à l’agriculture. Compte tenu de ces développements, les organisations paysannes réclament le remplacement du ministre actuel de l’Agriculture.

Face aux nouvelles réalités engendrées par la guerre en Ukraine, les agriculteurs et agricultrices considèrent que le Plan stratégique est insuffisant, car il n’aborde pas la question de la production alimentaire adéquate. Selon leur analyse, les organisations paysannes estiment que le plan menace de réduire davantage la production. Les nombreux commentaires émis par la Commission européenne concernant le Plan stratégique doivent être considérés comme une occasion de l’améliorer et de renforcer l’implication des agriculteurs dans ce processus.

 

Eimantas Bičius, directeur, Lietuvos pieno gamintoju asociacijos (LPGA)

Lait’quitable Justine

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© EMB

Que ce soit lors de la grève du lait, ou lorsque le Parlement européen à Bruxelles a été aspergé de lait, lors de la Journée mondiale du lait à côté du Manneken Pis, lors des innombrables animations devant et dans les supermarchés, que ce soit lors de manifestations européennes, de foires agricoles ou aux conférences de presse, ou même dans d’innombrables champs en Europe : la Justine – la vache emblème de l’EMB aux nombreuses couleurs nationales – épaule depuis 15 ans les agricultrices et agriculteurs en Europe et revendique à leurs côtés un prix du lait équitable.

 

Pour l’European Milk Board (EMB), 15 ans, ça se fête ! Sieta van Keimpema, la Présidente de l’EMB perçoit cette mascotte – qui s’appelle aussi Onestina ou Faironika selon la langue – comme une militante sympathique, forte et rayonnante. « 15 ans de la Justine – LE symbole par excellence du Lait équitable depuis 15 ans. Les agriculteurs, les consommateurs et les décideurs politiques de toute l’Europe et également d’Afrique en partie, la reconnaissent et savent ce qu’elle représente. C’est le travail réussi des membres de l’EMB et les projets de Lait équitable qui ont rendu cela possible ». La Justine est également un signe de confiance mutuelle et de solidarité, comme le sait Boris Gondouin, représentant français au Conseil d'administration de l’EMB : « Grâce à la Justine, nos agricultrices et agriculteurs ont illustré leur solidarité envers leurs collègues producteurs de lait en Europe et en Afrique et soulignent l’importance d’une politique agricole équitable pour les citoyens et les agriculteurs ».

Guy Diderrich fait partie de l’organisation membre luxembourgeoise de l’EMB, le LDB, qui accueille cette année les festivités autour de l’anniversaire de la Justine au Luxembourg et qui a fait don d’un grand gâteau à la Justine en guise de surprise pour son anniversaire. Il est fier du travail accompli ces dernières années, de l’esprit combatif de ses collègues et de l’engagement infatigable de la vache symbole : « Depuis 15 ans, la Justine participe à toutes les actions fortes et créatives organisées par les agriculteur·rice·s et elle continuera à répondre présente lors de nos échanges intensifs, dans notre travail et lors de nos campagnes pour un prix du lait équitable. Nous, les producteur·rice·s des quatre coins de l’Europe et nos collègues en Afrique, sommes conscients que nous devons faire entendre notre voix ensemble afin qu’un revenu équitable dans le secteur agricole et un système de production alimentaire stable deviennent une réalité ».

Qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, à l’est, à l’ouest, au nord ou au sud de l’Europe, ou même en Afrique : la Justine, Faironika et Onestina seront en première ligne lors de toutes les futures actions, bien visibles dans leurs robes nationales respectives, ou même vêtues du bleu européen, et elles continueront de soutenir les producteur·rice·s de lait dans leur engagement pour des prix du lait équitables qui leur permettront d’obtenir un revenu décent.

Les agricultrices et agriculteurs souhaitent à Justine, Faironika et Onestina un joyeux anniversaire

Carlos Neves, APROLEP, Portugal :

« La vache Justine est pour nous le symbole de l’union des éleveurs laitiers européens avec l’EMB dans notre combat pacifique mais ferme pour un prix juste du lait et une vie meilleure pour tous les agriculteurs d’ici en Europe de l’Ouest en passant par le Luxembourg et les pays de l’Est sans oublier l’Ukraine. Ensemble, nous sommes plus forts ! »

Markus Hafner, APL, Tyrol du Sud / Italie :

« Félicitations du Tyrol du Sud à tous les amis en Europe. À votre santé ! »

Paul Smyth, ICMSA, Irlande :

« Nous, les producteurs laitiers, aimons la Faironika parce qu’elle représente un prix du lait équitable pour tous les éleveurs laitiers en Europe. En Irlande, nous croyons au juste prix du lait qui contribue à la pérennité de nos fermes familiales. »

Boris Gondouin et Jean-Luc Pruvot, APLI et FaireFrance, France

« Vous voyez bien qu’on l’aime, parce qu’elle est partout avec nous. C’est le symbole du combat politique européen pour avoir des prix rémunérateurs. Mais c’est aussi la mascotte de notre lait FaireFrance, et ça, c’est quelque chose d’hyper important.

Justine, notre mascotte depuis 15 ans déjà. Nous sommes aussi les pionniers avec la vache. Elle nous fait vivre des aventures formidables, et comme le dit Mohammed Ali : « Ce n’est pas la montagne à gravir qui va nous faire abandonner, c’est simplement le petit caillou qu’on a dans notre chaussure ». Et grâce à Justine, grâce à l’énergie de toutes les personnes qu’on a rencontrées, on a réussi à créer notre marque FaireFrance, et on est super contents aujourd’hui de fêter l’anniversaire à Justine. 15 ans, bravo, bon anniversaire, Justine ! »

Elmar Hannen, BDM, Allemagne

« Bonjour, les amis – c’est l’anniversaire de la Faironika. Elle est synonyme de toutes ces années de lutte auprès des politiques mais aussi auprès des acteurs de la chaîne de valeur pour un traitement équitable. Et tant que nous n’aurons pas atteint notre but, nous continuerons à nous battre. »

Anne Chenevard, Faireswiss, Suisse

« Dans ces différents voyages avec Faireswiss, Justine s’est cassée trois pattes et une corne. Mais, Justine, elle est un petit peu comme nous. Elle ne se laisse jamais abattre : elle met un genou à terre, mais jamais les deux. Elle se relève et ne se laisse pas intimider. Justine ne lâchera jamais l’affaire et elle croit en l’avenir du Lait équitable. »

Henning Haschenburger, Karolina Klaus-Althaus, Peter Habbena et Karsten Hansen, BDM, Allemagne

« La Faironika, notre vache symbole, est présente lors de toutes les manifestations où elle est reprise et vue par les médias. Elle est le signe que les paysans se battent pour défendre leur bon droit. La Faironika est pour moi un symbole de la longue lutte, du changement et des prix rémunérateurs dans l’agriculture. Je suis fière d’avoir une Faironika sur notre ferme.

La Faironika – une relation amoureuse depuis au moins 2015. Les images des manifestations à Bruxelles m’ont fasciné, et voir cette communauté avec toutes ces vaches aux différentes couleurs nationales et européennes m’a complètement séduit.

La Faironika – ce n’est pas seulement un projet allemand, mais aussi un projet européen.
Ensemble, en Europe, nous défendons un prix du lait équitable et la valorisation du lait. »

Kjartan Poulsen, LDM, Danemark :

« Chère Faironika, Il est bon de t’avoir avec nous. Tu es le symbole de notre lutte pour un revenu équitable des agriculteurs. Merci ! »

 

Communiqué de presse de l'EMB et du LDB du 4 juillet 2022

Au royaume du greenwashing, Aldi est roi

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© Aldi

On le sait bien, dans le monde impitoyable de la grande distribution, tous les coups, et surtout les coups bas, sont permis. Avec les sommes immenses amassées sur le dos des productrices et producteurs, les as du marketing peuvent se permettre de jouer sans vergogne avec des campagnes publicitaires assénées avec la précision d’un missile.

 

Dans le fond, un lait issu d’un élevage qui ne nécessite pas d’antibiotiques, on ne peut qu’acclamer. Le problème réside dans le message sous-jacent qui est compris par de nombreux·ses consommateur·trice·s : si ce lait est produit sans antibiotiques, alors est-ce que cela veut dire que chez les autres distributeurs, le lait en contient ? Est-ce que cela veut dire que les paysan·ne·s en administrent de façon régulière ? Qu’ils/elles ne font aucun effort ?

En Suisse, l’usage d’antibiotiques en production laitière est fortement réglementé. À juste titre. Le temps d’attente avant de pouvoir à nouveau commercialiser le lait est doublé en production bio. Faire la promotion de méthodes d’élevage alternatives, de thérapies douces, de races plus rustiques, c’est une bonne chose. Cela ne doit toutefois pas se faire en dénigrant le reste de la profession.

Par ailleurs, la rémunération reste largement insuffisante. Quand bien même Aldi promet 10 centimes de plus par kilo, cela reste très inférieur aux surcoûts engendrés par de telles méthodes de production. Le prix standard suisse moyen payé en 2021 pour du lait de segment A était de 67,4 centimes, ce qui est bien loin des 1 francs nécessaires pour couvrir les coûts de production. Aujourd’hui, même les 1 francs ne sont plus d’actualité.

Nous, productrices et producteurs, ne devons pas nous laisser duper. Nos partenaires, ce ne sont pas les grandes enseignes. Ce sont les consommatrices et consommateurs. Et avec eux, nous pouvons conclure un partenariat basé sur le respect mutuel, et des efforts consentis de chaque côté. Pour une production laitière véritablement durable, et un avenir pour nos fermes !

 

Vanessa Renfer, Uniterre, Commission lait, juin 2022

Outil de développement durable pour les exploitations agricoles

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© CONVIS

CONVIS – la coopérative luxembourgeoise pour l'élevage bovin et porcin et qui offre des services de consultance – examine la durabilité dans les exploitations agricoles. Grâce à son outil spécialement développé, elle fournit aux exploitations des chiffres objectifs sur les bilans nutritionnels et énergétiques, l'autosuffisance en aliments pour animaux et sur les émissions de gaz à effet de serre et d'ammoniac des différentes branches de l'exploitation en fonction des intrants achetés et des produits vendus.

 

Vous avez mis au point un outil de développement durable. Pouvez-vous expliquer brièvement comment celui-ci fonctionne, comment vous l’appliquez ?

Nous comparons les intrants à la production pour voir si les matières premières sont utilisées efficacement. Étant donné que la production animale joue un rôle majeur dans la réduction des gaz à effet de serre, un des leviers pour réduire l’impact écologique des filières animales se trouvent dans la maîtrise de la production laitière, c’est-à-dire produire des ensilages de bonne qualité, assurer une alimentation adéquate en réduisant au maximum tout excédent ou tout manque de nutriments, profiter au maximum des fourrages grossiers, assurer une bonne gestion du troupeau, etc. Tout moyen de production qui doit être acheté (correcteur protéique, concentré, engrais, diesel, …) doit être utilisé de manière aussi efficace que possible.

Par ailleurs, nous avons démontré au fil des années que les fermes qualifiées d’efficaces (celles qui ont une empreinte carbone par hectare et, en même temps, par litre de lait produit en dessous de la moyenne de toutes les exploitations) sont en même temps celles qui sont aussi les plus résilientes en termes financiers et vis-à-vis des variations du prix du lait. Nous pouvons donc conclure que les fermes efficaces réduisent non seulement leur impact écologique mais ont aussi un avantage économique. Une intensification de la production se justifie seulement en temps de prix du lait élevé, où les fermes qualifiées d’intensives peuvent avoir un léger avantage économique. Une ferme intensive peut potentiellement avoir un impact négatif du point de vue écologique en ayant, par exemple, un bilan d’azote par hectare trop élevé. Néanmoins, les fermes intensives peuvent améliorer leur situation en transférant, par exemple, leur excédent d’engrais organique à une ferme plus extensive qui en a besoin.

Qu'est-ce que vous considérez comme important pour que les producteurs puissent utiliser de tels outils de durabilité – faut-il utiliser la carotte ou le bâton ?

Nous avons progressivement développé cet outil au cours des 20 dernières années. L’idée de départ était de pouvoir mesurer et chiffrer l’impact d’une production agricole d’une manière objective. Comme nous sommes une équipe de conseillers agricoles, notre premier objectif est de toujours pouvoir aider les agriculteurs à produire mieux d’un point de vue zootechnique mais aussi économique. L’outil que nous avons développé nous permet d’effectuer une évaluation annuelle d’une exploitation agricole fondée sur des chiffres clés en très peu de temps. L’exploitant peut comparer sa situation à celle de ses collègues et il peut voir l’évolution de sa ferme au fil des années. En tant que conseillers, nous pouvons donc indiquer à nos clients quels sont les points forts mais aussi les points plus faibles de leur production, ceux que nous pouvons aborder et essayer d’améliorer ensemble.

En ce qui concerne les incitations négatives ou positives, l’emploi de notre outil doit être considéré comme étant positif pour les éleveurs. Comme la nouvelle PAC exige une réduction des émissions de CO2, d’ammoniac, etc., l’équipe des conseillers de CONVIS doit fournir les données nécessaires et les points critiques de leurs fermes aux exploitants. À l’aide de ces chiffres clés, tout éleveur a la possibilité d’améliorer sa production et en plus profiter des avantages financiers qu’il peut en tirer. À notre avis, forcer les exploitants à faire quoi que ce soit ne sert à rien du tout. Il faut en contrepartie les inciter à saisir les opportunités qui existent et qui leur permettent d’obtenir des avantages qui en découlent.

Comment percevez-vous actuellement les efforts de développement durable en politique ? Sont-ils adaptés à la pratique, ou la politique et la pratique pourraient-elles encore mieux s'accorder ici ? Où, par exemple ?

Pour l’instant, nous sommes en pleine période de transition entre deux régimes de la Politique agricole commune. La nouvelle PAC a des buts en matière de protection de la nature, des ressources naturelles et de la biodiversité, ce qui n’était pas le cas il y a 20 ou 30 ans, où la production d’aliments était toujours son but principal. Les nouvelles conditions sont logiques, mais nous allons probablement diviser les exploitations en deux groupes : celles qui essayent de maximiser leur revenu par des subventions nationales/européennes, et celles qui continuent à produire, mais probablement à un niveau plus intensif qu’avant. Je pense que la politique et les règles du marché mondial sont souvent en désaccord car la politique a tendance à oublier le fait que la production primaire est soumise au barème économique de l’offre et de la demande. La production bio en est le meilleur exemple : tout le monde exige une agriculture biologique. Le marché montre toutefois qu’il n’y pas assez de demande pour que toutes les fermes convergent en production bio. De plus, vue la situation politique actuelle, le pouvoir d’achat des gens diminue davantage avec des prix et coûts de la vie encore plus élevés. Nous devrions donc essayer d’adapter notre mode de vie à un mode plus autonome. Et je pense qu’il en va de même pour la production agricole primaire. Nos systèmes de production actuels sont aussi fortement, voire trop fortement, dépendants vis-à-vis des intrants de production importés.

 

Tom Dusseldorf, chef du département vulgarisation, CONVIS

La qualité a un prix

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© AbL, Ottmar Ilchmann

Certaines associations et entreprises tentent régulièrement d’instrumentaliser les incertitudes du marché pour remettre en cause des normes de qualité qui ont fait leurs preuves dans la production agricole. L’Arbeitsgemeinschaft bäuerliche Landwirtschaft (AbL) exige que les coûts plus élevés soient compensés de manière appropriée pour les producteurs.

 

Ottmar Ilchmann, porte-parole lait de l’AbL :

« Dans un contexte de pénuries éventuelles, il est particulièrement important de maintenir et développer des produits de qualité élevée, sans pour autant les vendre à bas prix. Jusqu’à présent, le lait de pâturage a toujours été disponible en quantité abondante. On ne cesse de nous répéter à nous, agriculteurs, que, de toute manière, nous continuerons à produire. Et c’est avec plaisir et conviction que nous produisons du lait. Cependant, nous n’avons pas ou peu été payés en contrepartie de l’application de ces normes plus strictes. Il en va de même pour les coûts supplémentaires liés à la production de lait sans OGM. Les laiteries améliorent leur image, mais ne plaident pas sur le marché en faveur d’une rémunération adéquate de leurs fournisseurs. Les aliments pour animaux sans OGM sont disponibles en quantité suffisante. Les laiteries peuvent et doivent désormais utiliser les signaux du marché pour imposer des prix plus élevés et rémunérer correctement les agriculteurs en échange du lait de qualité qu’ils produisent. Une nette majorité de consommateurs souhaitent des produits exempts d’OGM. »

Lire l’article complet ici (en allemand) :

 

Extrait d’un communiqué de presse de l’AbL e.V. et du VLOG e.V. publié le 19 mai 2022

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